Pensine d'Eireen Kilkenny

Poudlard, 1e année, spectacle commun et d'une affligeante banalité dans les couloirs de l'école : un Serpentard bouffi d'orgueil et un Gryffondor avec un complexe de supériorité plus gros que le sablier des Maisons se battent comme des chiffonniers, sans doute pour une remarque sur l'origine du sang et les habituels rengaines. Eireen se tient en retrait et observe, les mains sagement croisées sur le devant de sa cape. Elle attend de voir quel professeur va sortir. Si tout se passe comme elle l'a prévu, ce sera Rogue et l'emblême léonin va perdre de sa superbe. Elle est suffisamment loin pour ne pas être soupçonnée. Personne ne peut savoir ce qu'elle a soufflé à l'oreille du jeune garçon au blason rouge et or et personne ne peut deviner qu'elle a envoyé l'une de ses condisciples du côté des cachots en dissimulant un sifflet magique dans sa poche, tout n'est désormais qu'une question de minutage... Elle entend le bruit caractéristique de pas militaires et le frottement d'une lourde cape le long des murs... Tout va bien, elle peut se retirer. Rogue pourrait se demander pourquoi elle est toujours si près des bagarres entre deux maisons qui ne la concernent pas

Poudlard, 7e année, un match de Quidditch va opposer Serdaigle à Serpentard. Elle se moque de ce jeu comme d'à peu près tout mais elle vient de croiser un Serpentard qui se hâtait fébrilement et n'a pu s'empêcher d'ouvrir une porte comme si elle sortait d'une pièce en déclamant d'un air outragé "Bien sûr que nous sommes les meilleurs, mais tout de même, de là à prendre des paris sur un résultat nul des Serpentards, ça manque d'esprit sportif, nous devrions être au-dessus de cela !" La réaction ne s'est pas fait attendre, le jeune garçon qui courait déjà se met presque à voler et se précipite dans les vestiaires de son équipe.
Elle va s'installer sur le terrain et patiente, le match est un peu retardé, les professeurs froncent les sourcils, on entend le bruit des sabliers qui se vident et les joueurs entrent enfin. Dans chacune des équipes, 4 joueurs ont au moins un oeil au beurre noir ou une arcarde fendue. Elle n'avait parié que sur 3, sa victoire est complète, elle peut se replonger dans un livre.

Galway 1995 : Eireen entre dans un pub et avise immédiatement un couple d'amoureux qui n'ont d'yeux l'un que pour l'autre. C'est trop facile, c'est indigne de ses talents mais cela fait trop longtemps qu'elle n'a pas pratiqué et elle s'ennuie tellement... Elle se pince l'intérieur du bras, attend qu'une larme ou deux se mettent à couler et se précipite comme une furie vers l'homme qu'elle attrape par le bras. "Je vois pourquoi tu manques si cruellement de temps pour nous à présent, ton boulot est en effet exténuant". Elle lui renverse sa bière sur la tête d'un geste théâtral et pleurant toujours, se tourne à demi vers la jeune femme pour lui murmurer, à travers de gros sanglots "Je suis désolée, je vous demande pardon, vraiment je ne... " Puis elle s'enfuit comme si l'émotion l'empêchait d'en dire davantage et se retrouve dans la rue, les yeux totalement secs et une ombre de sourire sur le visage. Elle sort un miroir de son sac pour rectifier les quelques défauts occasionnés par les fausses larmes, se passe un peu de baume magique sur le bras pour éviter toute marque disgracieuse et s'en va tranquillement, tandis que dans son dos, les hurlements hystériques et les bredouillements maladroits s'entrecroisent avec le murmure désapprobateur des clients... Pas une journée terrible, mais pas totalement perdu non plus, finalement.